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Guillaume rêve de jouer le rôle de Cyrano… mais son père ne voit pas les choses de la même façon. C’est un père exigeant qui considère que les performances scolaires sont une priorité ! De plus, la première histoire d’amour de Guillaume le fait énormément souffrir. Pour se faire entendre, il écrit, devient Rimbaud et essaie se donner un sens à tout ce qui lui arrive : ses luttes, ses joies, ses peines, l’accomplissement de ses rêves…

Son désir de vivre lui fera rencontrer des gens hors norme, et il nous entraîne dans un combat contre les influences familiales, sociétales, pour préserver sa sensibilité, son honnêteté, sa sincérité et sa foi en l’amour.

Dans la célèbre pièce d’Edmond Rostand, « Cyrano de Bergerac », le personnage éponyme est quelqu’un qui ne ment pas. Il ne se laisse pas faire par les autres. Sa sincérité et sa transparence sont toutes à son honneur d’homme éperdument amoureux chez qui l’intériorité est plus importante que la transparence. C’est probablement la raison pour laquelle il nous émeut tant et qu’il fait de lui un personnage de fiction attachant, qu’on aime, tout simplement.

Les choses de l’acte théâtral sont parfois ainsi faites et curieuses, à bien y regarder, parce que le personnage de Guillaume dans « Comment te dire » a de nombreux points communs avec son inspirateur. Lui aussi nous émeut dans cette interprétation mêlant réalité et fiction dramaturgique.

« Cette histoire est entièrement vraie parce que je l’ai imaginé d’un bout à l’autre », a dit Boris Vian. Frontières subtiles que cet acte créatif mêlant invention et parts de vérité… Peu importe, après tout. C’est le résultat qui compte et « l’important, c’est de participer » à cet acte créatif, pour le plus grand bonheur du public…

À douze ans, Guillaume assiste à une représentation de la célèbre pièce avec pour rôle titre, Jean Marais. « La magie du Théâtre m’a conquis à jamais ». C’est une révélation pour lui, mais un père castrateur, peu ouvert aux choses artistiques, le brigue dans ses désirs de planches et d’apprentissage théâtral.

Qu’à cela ne tienne… Le théâtre est une révolution qui tourne et galope. Un monde à part que Guillaume sait désormais ancré en lui à tout jamais, avec son désir de toujours vaincre, comme en amour d’ailleurs. Mais là non plus, les choses ne sont guère simples…

À quinze ans, il tombe amoureux pour la première fois. C’est un échec cinglant. Dès lors, il se concentre sur la littérature, la poésie, dévorera les surréalistes, et ne jure que par le fait de devenir comédien.

La pièce de Gérald Hubert est une immersion dans la conscience d’un homme qui a toujours cru en lui, pour lequel « avoir conscience de ce que l’on vit peut transformer les choses de la vie, nous amener vers la Paix en nous, et éveiller aussi le besoin de partage ». Il s’agit là d’un moment de spectacle très émouvant dont on perçoit le besoin vital et organique intrinsèque, tant dans la construction que dans le jeu.

Gérald Hubert, Sabine Lenoël, en alternance avec Dominique Vannod, interprètent avec élégance différents personnages durant cette heure et demie de représentation où l’émotion est bien présente.

À nos yeux, peut-être trop par moments. La frontière entre la dimension autobiographique, encore une fois, et l’acte créatif n’est pas toujours facile à franchir. Loin de là. Donner une part de liberté au miroir pour que le Théâtre l’emporte dans sa seule force est généralement souhaitable à cette enseigne.

L’écriture de cette pièce semble avoir été impérieuse, de toute évidence. Elle a dû mûrir longuement, faisant ressurgir du passé des événements enfouis qui ne demandaient qu’à éclore. Comment doser la charge émotionnelle pour en faire un « acte public » universel destiné à toutes et à tous, finalement, et qui aura d’évidents échos chez celles et ceux qui y assistent ? Il n’est pas certain que quelqu’un ou quelqu’une détienne la réponse… Pas même un Pierre Notte, un Tiago Rodrigues ou un Michalik, probablement !

Cela dit, la sincérité du jeu de Gérald Hubert est palpable tout au long de ce spectacle et, au risque de nous répéter, extrêmement sincère… Il paraît comme resté fidèlement semblable à celui qu’on imagine qu’il a pu être à 12 ans ou à 15, quand il a découvert Jean Marais ou qu’il est tombé amoureux : candide, estomaqué, emporté comme dans un tourbillon, et faisant la roue à la fin de la représentation pour se sauver de la réalité du père, de la société ou des diktats en tout genre. La roue, il l’a fait sur le plateau aux côtés des deux comédiennes en alternance et, il nous émeut infiniment.

Dominique Vannod, sur scène le jour où nous avons vu le spectacle, interprète sans excès et avec élégance ses différents rôles. Le duo fonctionne bien au sein d’un décor sobre et épuré où un simple bureau en bois rappelle que l’écriture est essentielle. « Dire » pour ne pas sombrer ! Comment vous dire que  » Comment te dire » reste un moment de théâtre introspectif bouleversant, qui constituera à n’en point douter un bien joli moment dans ce Festival d’Avignon 2024 tourmenté et contrarié.

Puisse Gérald Hubert ne pas vociférer à la lecture de cet article contre les méandres critiques et journalistiques, contrairement à une certaine Angélica Liddell au Palais des Papes ! La sensibilité de l’homme, au-delà simplement de celle de l’artiste, laisse à présager qu’il ne le fera pas, à coup sûr !

Brigitte Corrigou
https://www.larevueduspectacle.fr/Off-2024-Comment-te-dire-Un-moment-de-theatre-introspectif-bouleversant-Dire-pour-ne-pas-sombrer-_a3994.html

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